AccueilAccueil.htmlhttp://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre_Guaricheshapeimage_1_link_0

Les règles architecturales du quartier de Mériadeck

Le projet du quartier de Mériadeck a connu de nombreuses évolutions tant programmatiques que formelles au cours de sa gestation. S'il s'agissait dans un premier temps de réaliser un quartier de logements, le projet s'orienta progressivement vers celui d'un centre administratif décisionnaire.

Mais finalement, la fonction du quartier n'eut que peu d'influence sur sa forme. Le principe d'une architecture sur dalle, s'il fut déterminant pour la physionomie du quartier, est apparu alors qu'il se vouait encore à n'accueillir que des logements.

C'est l'arrivée de Jean Willerval en tant qu'architecte coordonnateur de l'opération, qui va réellement orienter la forme du quartier. Non seulement il renforce l'importance de la dalle, mais il établit un cahier des charges relativement contraignant, auquel devront se soumettre la totalité des futurs bâtiments du quartier. Ce qui ne fut finalement pas vraiment le cas, les exceptions suivant les souplesses accordées.

Quoiqu'il en soit, sur l'ensemble du quartier, ces principes dictés en tant que règles ont permis de générer une architecture relativement homogène, qualité de cohérence pour certains, de monotonie pour d'autres.

 

Ce cahier des charges fut tout de même abandonné vers le fin de l'opération, les derniers bâtiments construits, ne respectent plus aucun de ces principes : plus de plan cruciforme, les accès se font depuis la rue, ils ne sont pas nécessairement reliés avec la dalle.

Bien entendu, les nouveaux bâtiments projetés sur le quartier ne respecteront pas davantage ces principes.

Séparation des flux

La séparation des flux piétons et automobiles est un principe apparu depuis longtemps, mais l'article de Kenneth Browne et Henryk Blachnicki "Over and Under, a survey of the problems of  Pedestrian/Vehicule Segregation" dans  Architectural Review en mai 1961, ainsi que le rapport Buchanan vont influencer de nombreuses réalisations en Europe et encrer ce type d'urbanisme dans l'époque. Mais pour être franc, ici point question d'urbaniste anglo-saxon, mais plutôt une volonté de se projeter dans une modernité aux penchants automobiles pour Jean Royer, et de réaliser une "petite Défense" pour Willerval ou Chaban-Delmas.


Concrètement, la dalle permet au piéton de circuler au-dessus des nuisances des véhicules, dans un nouveau paysage. L'épaisseur de la dalle, quant à elle, peut servir de parking pour les automobiles.

Initialement, quelques percées au-dessus des voies de circulation devaient permettre d'entrapercevoir le trafic automobile en contrebas. Avec l'avancement du projet, les percements se sont agrandis jusqu'à ne laisser que des rampes - certes aux bords arrondis, ultime réminiscence de la dalle totale poinçonnée - reliant les terrasses entre elles.



Occupation de l’épaisseur de la dalle

Les différents niveaux créés artificiellement ont chacun une affectation particulière sur l’ensemble de l’opération :

«a) à un niveau supérieur : la circulation des piétons et l’implantation des commerces ;

b) à un niveau moyen : la circulation des véhicules, leur arrêt occasionnel, la desserte des immeubles, ainsi que leurs locaux de service, les réserves des commerces et des magasins, les stationnements uniquement privés dans certains cas, privés et publics dans d’autres ;

c) à un niveau inférieur : le stationnement public». (SOCIÉTÉ BORDELAISE MIXTE DE RÉNOVATION URBAINE (S.B.R.U.) Bordeaux, décembre 1966).


Bien entendu, de nombreux bâtiments dérogeront à cette répartition, comme la Préfecture, la Caisse d’Epargne, ou encore l'Immeuble Horizon 1 où divers types de locaux sont aménagés dans l’épaisseur de la dalle.



Planéité

L’aspect lisse et uniforme de la dalle est un élément pris en compte et clairement légiféré.

«La cote moyenne proposée par cette dalle générale est + 14,50 (NGF). Il n’est toutefois pas fait une obligation au parti architectural de se tenir uniformément, sur toute l’étendue de l’îlot, à cette cote. Des variations en plus ou en moins pourront être proposées sous réserve que :

- les emplacements où se situeront les liaisons inter-îlots soient effectivement à +14,50 ;

- en aucun point, le niveau proposé ne se situe à plus d’un mètre (en plus ou en moins) de la cote moyenne imposée ;

- les gabarits imposés en sous-sol soient rigoureusement respectés.


Cette dalle générale pourra être ajourée sans que la proportion de vides ainsi créés puisse excéder 30 % de la surface totale. Ces défoncés éventuels seront obligatoirement traités en éléments décoratifs (patios au niveau inférieur avec éléments floraux ou minéraux, sculpture, jeux d’eau, etc...). Les propositions d’aménagement correspondantes seront soumises à l’accord de la S.B.R.U. et de son architecte en chef, et de la ville» (SOCIÉTÉ BORDELAISE MIXTE DE RÉNOVATION URBAINE (S.B.R.U.) Bordeaux, décembre 1966).



Vélum

Un vélum limitant les hauteurs des constructions est mis en place, dans le but de préserver le paysage urbain de Bordeaux, ville relativement basse. Il s'agit qu'aucun piéton se promenant dans la ville ne puisse apercevoir une tour émergeante du nouveau quartier. Le quartier ne doit pas créer de contraste de hauteur et gabarit avec la ville environnante.

Plusieurs plafonds sont fixés, de 15 mètres (4 niveaux) à 40 mètres (12 à 13 niveaux) selon les localisations. Aujourd'hui encore, ces hauteurs figurent au PLU.



Le plan en croix

Une trame cruciforme de 30 mètres, correspondante aux parkings à aménager sous dalle, divisible en sous-trame de 15 mètres, est imposée.

Chaque bâtiment doit adopter un plan cruciforme, lui permettant notamment de démultiplier ses surfaces vitrées. Une "taille de guêpe" au niveau de la dalle est requise, afin que l'immeuble pour paraisse plus léger au niveau du sol. Celle-ci induit de fait de multiples porte-à-faux, plutôt assez compatibles avec les branches des croix.



Transparence du rez-de-dalle

Afin de générer une plus grande visibilité du paysage au promeneur piéton sur la dalle, les immeubles doivent être en surplomb au-dessus des terrasses.

La transparence des rez-de-dalle est également un moyen de dégager les vues sur la dalle.



L’alignement

L’alignement des bâtiments sur la rue en contrebas est directement imposé par le plan-masse lui-même. Les parties en porte-à-faux sont alignées verticalement sur les garde-corps de la dalle. L’image de la rue, si elle est mise à mal par le niveau de la chaussée descendu 5 mètres au-dessous du niveau piéton, n’en est guère changée : elle continue d’être bordée de bâtiments alignés sur celle-ci. L’alignement des différents immeubles modèlent les places, esplanades, îlots. La composition reste d’une typologie très classique, ne s’inscrivant en rien dans la continuité des prescriptions des modernes.

L’alignement sert également dans le quartier à la mise en perspective de certains bâtiments publics, comme la Préfecture.



Matériaux

La palette des matériaux et couleurs est clairement définie. Si elle reste ouverte, les orientations souhaitées par Willerval en réduisent les possibilités, et tuent toutes volontés de contrastes. Tout est ici histoire de nuances.

- l'utilisation de béton clair, essentiellement à granulats de quartz de Lorient légèrement rosé, est imposé pour toutes les constructions, mais également pour les garde-corps qui ansèrent les terrasses.

- les menuiseries en aluminium anodisé de teinte foncée sont également imposées à l'ensemble des bâtiments.