Un point sur la destruction du tunnel de la rue du Château d'Eau

Marc Barani évoque Mériadeck

pour Télérama

mardi 30 octobre 2012

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L'Unesco perçoit le quartier Mériadeck comme un laboratoire d'urbanisme, témoin de la culture des années 1960 et 1970, à travers son type d'urbanisme, qui voit la séparation verticale des circulations piétonnes et automobiles, mais également par sa typologie architecturale très marquée (plan des immeubles en croix, "taille de guêpe", etc).

Ensemble urbain très homogène, chaque bâtiment participe à la figure générale du quartier, à son identité architecturale et urbaine. La figure est la somme des éléments qui la compose.

Mériadeck et le CLUB

L'inscription sur la Liste du Patrimoine Mondiale de l'Unesco n'entraine aucune contrainte supplémentaire en matière de protection. Une structure est donc mise en place, Le Comité Local Unesco Bordeaux (dit le CLUB), pour analyser les projets susceptibles d'avoir un impact sur la valeur universelle du bien inscrit.

Le CLUB est composé de représentants régionaux du Ministère de la Culture et de la Communication, mais également d'architectes régionaux, d'historiens, professeurs d'université, ainsi que de représentants de la mairie de Bordeaux.

En amont de ces ateliers, le CLUB s'était à plusieurs reprises réuni pour étudier les projets en cours sur le quartier Mériadeck.  Mais plutôt qu'une analyse sur l'impact de ceux-ci sur la valeur patrimoniale du quartier, le CLUB a plutôt remis en doute la présence même de Mériadeck au sein du périmètre inscrit, s'inscrivant en faux contre la position de l'Unesco.

Dès lors, le CLUB ne s'est opposé en rien aux destructions induites par les projets de la Cité Municipales ou de la Restructuration de la Croix du Palais, celles-ci ne pouvant altérer un patrimoine dont il ne reconnaît pas les valeurs, les composants.

Le futur du Quartier pour Icomos

Ces ateliers devaient donc clarifier une situation rendue floue, en reprécisant la valeur du quartier Mériadeck en tant que Patrimoine Mondial, et en étudiant l'impact des différents projets dans le périmètre du quartier.

Après les 2 jours d'ateliers, les experts ont pu rendre leur analyse du quartier et des projets en cours, ainsi que proposer des axes d'intervention et d'actions sur le quartier.

Les propositions d'Icomos

Maintenir la mixité du quartier

Construit dans les années 1970 et 1980, les immeubles du quartier apparaissent aujourd'hui inadaptés au domaine du tertiaire : ils sont énergivores, ne sont plus suffisamment fonctionnels face à l'évolution des usages. Leurs réaménagements étant difficiles et onéreux, les activités du tertiaire quittent le quartier.

En contre partie, ces immeubles sont réappropriés par les administrations, préfigurant une évolution du quartier vers un centre administratif et politique, la part du logement restant stagnante.

Cette évolution semble dangereuse pour les experts de l'Icomos, qui outre le fait que cela dénature le projet initial de Mériadeck, dans la philosophie qui la fait naître, y voit une lente mort du quartier.

Il leur apparaitrait donc nécessaire de rendre le quartier plus attractif aux populations.

Cette analyse était également partagée par les 3 équipes concurrentes au Marché de Définition (Seura, AUC, et Flint).

Les valeurs du quartier à sauvegarder

Le plan en croix des immeubles, leur "taille de guêpe", ou encore le vide entre les immeubles, sont des caractéristiques du quartier, parties intégrantes de son identité, et donc de sa valeur.

Les 3 équipes concurrentes du Marché de Définition maintenaient dans leurs propositions ces caractéristiques (la densification du quartier ne se faisait pas horizontalement, mais verticalement, afin de conserver la physionomie des immeubles, et une faible densité bâtie sur la dalle).

Pour ce faire, les experts proposent la mise en place de deux périmètres de protection dans le quartier, le premier bénéficierait de règles très strictes d'évolution, le second, correspondant davantage aux abords du quartier, serait plus souples en terme de contrainte.

L'Icomos préconise une procédure de type AVAP (Aires de mise en Valeur du Patrimoine) afin d'encadrer les évolutions du quartier, et en préserver l'unité architecturale et l'intérêt patrimonial.

L'esplanade Charles-de-Gaulle

Une réhabilitation urgente de la dalle et de son paysage semble primordiale pour les experts de l'Icomos. Il s'agirait d'améliorer les accès à la dalle, mais également réhabiliter totalement les jardins de l'esplanade Charles-de-Gaulle.

La Caisse d'Epargne d'Edmond Lay

L'Icomos propose de lancer une procédure d'inscription du bâtiment de la Caisse d'Epargne, de l'architecte Edmond Lay, à l'inventaire national.

Le projet de restructuration de la Croix du Palais

Ces ateliers rassemblaient entre autres, outre l'équipe de la ville travaillant sur la ville et son patrimoine (dont Michèle Larue-Charlus, Stéphane Caze ou Bruno Fortier, architecte conseil de la Ville de Bordeaux), Robert Coustet, historien de l'Art, Philippe Cieren, inspecteur général des Monuments historiques (DRAC), Marc Barani, architecte (et commissaire Général d'Agora 2012), mais également Giancarlo Barbato, expert Icomos International.

Le groupe de travail, après une visite et une présentation historique du quartier, étudia les divers projets en cours, comme la construction des bureaux de la CUB et de la Cité Municipale, la restructuration de la Croix du Palais, en présence des architectes en charge de ces réalisations.

Différents acteurs du quartier purent également s'exprimer sur Mériadeck, dont Vincent Ferrat, directeur du développement chez Unibail (Centre Commercial), M. Latour, président du Club des Entreprises de Mériadeck, ainsi que les représentants de différentes associations de riverains.

La mairie a mis en ligne sur la page d'accueil de son site internet  une vidéo retraçant ces journées de travail.

L'Icomos estime qu'en effaçant le plan en croix et la taille de guêpe du bâtiment, en détruisant ou déplaçant une passerelle ainsi qu'en ramenant la façade au niveau rue, le projet nie toutes les caractéristiques architecturales et urbaines du quartier, portant atteinte à sa cohérence, et enfreint ainsi la Charte de Washington, Icomos 1987.

Ce projet est également contraire aux propositions développées par les 2 équipes concurrentes du Marché de Définition.

L'Icomos demande un réexamen du projet.

Pour information, le permis de construire a été accepté le 22 mai 2012.

Le projet de la Cité Municipale

Deux avis divergent sur le projet de la Cité Municipale : celui de l'expert d'Icomos,  présent lors des ateliers, et celui d'Icomos lui-même.

En effet, l'expert présent lors des ateliers, ne se prononce pas sur le projet de la Cité Municipale, prenant acte des intérêts stratégiques du site retenu, et reconnaissant donc une certaine pertinence dans la destruction de la Croix du Mail, la position du projet en marge du quartier amoindrissant son impact sur le bien inscrit au Patrimoine Mondial de l'Unesco.

En revanche, l'Icomos reste sur sa ligne d'analyse du quartier et de sa valeur patrimoniale, en considérant que la position géographique du projet n'est pas en marge du quartier, mais au contraire une amorce de celui-ci. De fait, le projet de la Cité Municipale, non seulement entraîne la destruction d'un des bâtiments participant totalement à la cohérence du quartier (plan en croix, taille de guêpe, etc), annonçant le quartier, mais introduit un nouveau vocabulaire architectural (ainsi qu'une volumétrie très importante étrangère au quartier) qui porte atteinte à la lisibilité du quartier, ou plus précisément à sa valeur patrimoniale.

L'Icomos réclame donc le réexamen du projet.

L'Unesco et la Mairie

Ainsi, face aux deux attitudes différentes des ses interlocuteurs, les avis tolérants du CLUB ou de l'expert d'Icomos, et la position très tranchée de l'Icomos sur le projet de la Cité Municipale, le maire déclare ne pas comprendre. Toutefois, Alain Juppé évoque un possible compromis en promettant à diverses reprises un permis de construire modificatif, devant amoindrir l'effet massif du bâtiment en jouant sur la transparence du volume haut, et ses décrochés moins prononcés.

Mais selon les propos de Maître Borderie, avocat de la Mairie, devant les juges des référés, il ne serait en fait aucunement question d'un permis modificatif.

C'est précisément ici le point délicat d'un classement de l'Unesco : les devoirs de conservation ou de mise en valeur des biens ne sont que moraux, aucune règle juridique n'existe. L'Unesco ne possède réellement aucun moyen pour imposer ses recommandations.

Mériadeck, patrimoine Mondial de l'Unesco

Englobé dans le périmètre de Bordeaux, patrimoine mondial de l'Unesco, le quartier Mériadeck ne répond pourtant pas aux mêmes critères de classement que le reste de la ville historique, faisant de lui une entité autonome dans le périmètre de Bordeaux, à l'image également de la Cité du Grand Parc.

La Cité Municipale (le mot d'excuse de Paul Andreu)

La réunion de présentation du projet de la Cité Municipale à la Mairie